Genève: surveillance massive pour avoir prolongé une piste cyclable
Fichage massif, relevés téléphoniques et bancaires, accès aux e-mails, caméras de surveillance, empreintes digitales, tests ADN...
En février 2023, Extinction Rebellion (XR) a prolongé une piste cyclable à Genève, en peignant sur la route.
Suite à cette action, le Ministère public s’est déchaîné, initiant une enquête où tous les moyens semblent bons contre les activistes d’XR.
Ces derniers·ères ont rendu public de nombreuses pièces du dossier sur leur canal Telegram t.me/xrgeneve
C’est glaçant. On vous parle de quelques points qui nous semblent importants.
Le procureur Walther Cimino a requis de multiples procédures pour identifier les auteurices. Le dossier montre également que la police genevoise a le fichage facile.
Pour savoir si vous êtes cité·es dans le dossier, vous pouvez écrire à xr-ge-legal@protonmail.com
En fin de publication, on essaie de donner quelques trucs et astuces pour minimiser les risques.
Fichage généralisé
Dans le cadre de cette enquête, pas moins de 96 personnes sont listées comme membres d’XR (toutes ne le sont d’ailleurs pas - une d’entre elle est même décédée en 2019).
Les courriers de la police judiciaire confirment également que des activistes sont fiché·es de manière habituelle (hors enquête) pour participation à des manifestations.
C’est choquant, mais pas surprenant:
les pratiques de surveillance révélées par l’affaire des fiches n’ont jamais été modifiées, malgré l’abandon du terme de “police politique”.
Relevés téléphoniques
La police a eu accès rétroactivement aux relevés téléphoniques de plusieurs personnes (listes d’appels, bornages - et donc position assez précise).
Copie des e-mails
Google et Microsoft ont accepté, sur ordre du Ministère de la Justice étasunien, de préserver le contenu de plusieurs boîtes e-mail et de fournir des données d’identification reliées aux comptes.
Caméras de surveillance
La police a demandé des enregistrements vidéos pris par les caméras d’un LANDI, supprimés avant la requête.
Et réseaux sociaux
Les vidéos et photos postées sur les réseaux sociaux sont une mine d’information utilisée par la police.
Données bancaires
Des relevés bancaires ont été épluchés par les enquêteurices.
Ils ont permis d’identifier des achats à Jumbo et LANDI, ces derniers ont ainsi pu détailler les emplettes effectuées (par exemple: pour 6,95 CHF d’acrylique).
Les dons à la Grève du Climat, Wikimedia, Terre des Hommes, arCHipels, Greenpeace, la coalition pour des multinationales responsables ou PublicEye semblent être des éléments à charge.
Divers virements ont permis
d’identifier d’autres personnes.
ADN
Des traces ADN ont été recueillies (sur un spray de peinture, des gants, des gilets et d’autres objets) et analysées, et parfois versées dans une base de données nationale. Le laboratoire concerné gardera aussi certains échantillons durant 15 ans (voire plus si un tribunal le demande).
Voyage
Sur demande du Ministère public, EasyJet a fourni la liste et le détails
des vols effectués par des personnes avec des noms similaires à des gens soupçonnés d’être des activistes
d’XR.
Quelques remarques
On voit, une fois de plus, que l’activisme pacifique est fortement surveillé en Suisse - et que cela touche aussi des personnes qui ne militent pas.
Même lorsque l’on agit à visage découvert et sans violence, il peut être utile d’adopter une culture de sécurité dans les milieux militants.
À ce sujet, on peut recommander l’article de CrimethInc: “Cultures de la sécurité”
https://tl.crimethinc.com/2004/11/01/cultures-de-la-securite
Questions d'argent
Payer en cash, que ce soit dans un magasin ou pour rembourser quelqu’un·e, ça permet de laisser moins de traces qu’en utilisant une carte bancaire ou Twint. C’est aussi utile pour ne pas rendre trop évidents les liens entre activistes et pour rendre plus difficile l’identification de “complices”.
Les téléphones
Quand on fait des actions susceptibles d’attirer la répression, ça peut être utile de ne pas avoir de téléphone sur soi, ou au moins de l’éteindre.
Attention: si on éteint (ou laisse à la maison) les téléphones seulement quand on fait une action, c’est moins efficace. Pareil si on les éteint sur le lieu de l’action ou de la réunion, après que tout le monde ait borné au même endroit.
La communication en général
Dans cette affaire, ce n’est pas tant le contenu des communications que les métadonnées (emplacement, appels de ou à telle ou telle personne) qui intéressent la police.
Mais ça vaut la peine de ne pas divulguer d’information sensible par internet (e-mails - on voit ici que la police peut facilement obtenir le contenu; Telegram; etc.) ou SMS, pour éviter la surveillance (par des moyens techniques... ou en étant dans un groupe WhatsApp où une indiscrétion est commise).
Ne pas se décourager
Ne pas tomber dans la paranoïa
La police politique est une réalité, il faut en avoir conscience et prendre ce paramètre en compte dans nos actions. La répression est toujours possible, même pour des “broutilles” (comme une lettre ouverte antimilitariste, qui peut mener à des perquisitions par FedPol et un procès au tribunal fédéral).
Mais une culture de sécurité bien établie et des mécanismes de solidarité (face à la pression, au risque d’amende...) peuvent nous permettre - et le font déjà, de continuer la lutte.
N’abandonnons pas, la lutte pour une planète vivable est bien plus importante que toutes les tracasseries du Ministère public!